* Voyons voir... Si le capitaine du navire n'est pas un incapable, je ne devrais pas tarder à aperçevoir le sillage de mon rendez-vous... *  Songea impatiemment le docteur Doom en consultant du coin de l’œil l'affichage de l'heure locale situé en haut à droite de son écran.

2h20 du matin à Rotterdam. Le port européen s'activait pourtant toujours, en témoignait les innombrables points de lumière se déplaçant en contrebas, tels des lucioles opérant un ballet aérien aléatoire. Victor von Doom croisa les bras sur son pectoral métallique, savourant la caresse chargée d'embruns marins de la brise portuaire qui soulevait les lourds pans de sa cape. Comme à ses habitudes, le mégalomane ennemi des quatre Fantastiques avait opté pour le poste d'observation le plus grandiloquent qui fut, à savoir le toit du  centre des autorités portuaires de Rotterdam. Culminant à plusieurs centaines de mètres au-dessus du niveau de la mer, cette tour solitaire aux courbes ovales dominait la Nouvelle Meuse avec le dédain propre aux bâtiments administratifs, offrant un panorama sans égal sur l'entrée du port de la ville pour qui pouvait s'y hisser. Masque de titane et armure technologique enfilés, le criminel trentenaire consulta le flux constant de rapports que lui transmettait son logiciel de communication en lien avec le QG de l'Alliance. Intérieurement, il n'avait qu'une hâte : mettre la main sur le fameux virus Fusion mis en vente par un anonyme. Quelqu'un d'assez doué avec un clavier pour empêcher quiconque de retrouver son identité, et capable de présenter avec crédibilité un article sortant tout droit d'une revue de science-fiction. Il n'était pas à la portée de n'importe qui d'affirmer avoir en sa possession un virus qui, une fois injectée, conférait la faculté d'assimiler les propriétés de la matière que l'on touchait.

* La Science aura fini par égaler les artifices des dieux, mon cher Loki... Je connais un certain ex-boxeur qui n'appréciera guère de ne plus être le seul super-criminel doué du don d'absorption... *  Fanfaronna, certes un peu tôt, le baron de métal.

Von Doom avait immédiatement été interpellé par l'annonce d'une mise en vente du virus en Europe. Jouant avec ses contacts, son influence et sa réputation, l'implacable businessman avait découragé tous les acheteurs potentiels, s'assurant de rester le seul client crédible de l'annonce. Fort de son expérience en terme d'achats d'armes illégales, Victor avait planifié une rencontre avec le vendeur à Rotterdam, puisque l'intéressé était parti de New-York par voie fluviale. Quoi de mieux qu'un port international accueillant chaque jours des centaines de bateaux pour dissimuler la venue d'un bâtiment à la cargaison... Spéciale ? Une fois débarqué, l'actuel possesseur du virus et Doom devaient se retrouver à l'hôtel New-York (l'ironie de la chose avait séduit le rival éternel de Red Richards), hôtel racheté par Doom et qui, ce soir-là, n'hébergerait personne d'autre que les deux partenaires en affaire. Cerise sur le gâteau : de son perchoir, Doom avait également une vue imprenable sur le lieu du rendez-vous. Impossible donc pour lui de ne pas voir une personne se rendant vers l'imposante construction de pierres à deux étages, dont le style "vieille Europe" rappelait au régent sa chère Latvérie. Le personnel de l'hôtel avait été briefé : qui que soit le client, il devrait être traité avec tous les égards, et dirigé sans délais vers la suite réservée aux hôtes de marque. Doom le rejoindrait par la voie des airs, après avoir soigneusement observé l'individu et appris autant de choses que possible sur lui.

Si tout se déroulait comme prévu, à l'issue de cette rencontre, il obtiendrait de quoi repousser les limites de ses capacités à un niveau proche du divin.

La masse lourde et pataude du paquebot amorçait une approche traînassante des quais de Rotterdam lorsque l'intermédiaire Néerlandais du Doom lui expédia finalement le dossier compulsant les informations essentiels sur le profil du vendeur. Clignant deux fois rapidement de l'œil gauche, le tyran encapuchonné ouvrit le dossier qui s'afficha dans un coin de son champs de vision, défilant à la vitesse optimale pour la lecture du baron. Fronçant les sourcils, ce dernier assimila les données à mesure qu'elles lui apparaissaient.

* Alara Lorwyn. 28 ans. Formation scientifique.... Comme de juste. Oh... Elle a intégré le marché de l'emploi à 21 ans. Un parcours scolaire très honorable, digne de ce bon vieux Richards... Mais avec deux parents scientifiques, quoi de plus normal ? Voyons, quoi d'autre ?Native de Miami... Inintéressant. Ah ! Voilà qui est déjà plus utile : « a travaillé pour Stark Industries, avant d'être mise à l'écart pour ses prises de risques inconsidérés. A quitté d'elle-même Stark Industries. ». Quel dommage que les protocoles informatiques de Stark soient si durs à contourner ! J'aurais apprécié de connaître les motifs exacts de cette déchéance... *  Songea le businessman, pour autant très satisfait de ce qu'il venait d'apprendre.

Cette jeune femme débordait d'intelligence, avait été sanctionnée pour sa témérité scientifique, et n'aurait donc pas pu trouver meilleurs acheteurs que les super-vilains de l'Alliance. La rancœur féroce qu'elle devait vouer à ses anciens collègues (et donc par association, à Stark et au Gouvernement) n'en ferait qu'une partenaire plus hardie à agir contre les intérêts des justiciers recensés. Une note en fin de rapport précisait que la jeune femme portait visiblement avec elle un échantillon de son produit. Un bon point de départ. Toutefois...

* Rien sur des preuves matériels de l'efficacité de son virus... Pas d'enregistrement vidéo montrant l'un des bénéficiaires en action, pas de témoignage même vague des effets avérés... J'ai bien fait d'organiser une rencontre. Mademoiselle Lorwyn va devoir me fournir des preuves tangibles et concrètes, si elle souhaite voir la couleur de mon argent... *  Soliloqua l'industriel, pragmatique avant tout.

De son perchoir, le docteur Doom aperçut le débarquement des passagers du cargo. Le logiciel de reconnaissance faciale intégrée à son masque balaya la foule avant d'isoler et de mettre en surbrillance une silhouette aussi gracile que féminine sur le point de monter dans la Land Rover noire envoyée par Victor. L'ombre d'un sourire victorieux étira ses fines lèvres lorsque le trentenaire constata la bonne tenue de son plan... Jusqu'à présent. Difficile de ne pas devenir paranoïaque, lorsqu'on comptait autant d'ennemis de par le monde. Les deux hommes de main envoyés pour accueillir Alara ne mettraient pas plus de cinq minutes pour conduire la jeune femme à l'Hôtel New-York, ce qui en laissait autant au super-criminel pour les prendre de vitesse. À pas lourds, le possesseur de l'armure technologique ornée d'une cape verdoyante s'avança jusqu'au rebord donnant sur le sud-est de Rotterdam. Définissant la trajectoire de vol optimale pour atterrir dans l'enceinte de son hôtel, le tyran Latvérien fit s'afficher son court itinéraire aérien sous la forme d'une large flèche translucide devant lui, puis enclencha ses propulseurs. Dans un grondement sourd, le docteur Doom s'éleva au-dessus du toit, le tissus de sa cape battant follement l'air autour de son imposante stature. Un mètre de vol contrôlé plus loin, la surface du toit cessa d'offrir un support à ses propulseurs, et la descente commença.

Rapide, abrupte, cette chute contrôlée permit à Victor de goûter un éphémère moment aux joies infantiles de la sensation de voler. Moins maniable que celle du Vengeur d'acier, l'armure en titane du malfaisant cerveau criminel creva pesamment les paliers de l'atmosphère, rejoignant sans grâce son point de chute en manquant de fêler les dalles de la cour intérieure. Crachotant un peu avant de s'éteindre, les propulseurs de l'armure redevinrent silencieux tandis que, d'un pas conquérant, le maître de l'énergie Eldritch s'engageait vers le hall de l'imposant bâtiment. Tels une volée d'oiseaux, ses employées le suivirent, ouvrant les portes et écartant les obstacles sur son chemin, se courbant à quatre-vingt dix degrés pour saluer leur employeur et seigneur.

" Les préparatifs sont-ils tous terminés ? "  Voulut savoir l'acheteur en posant agressivement sa question.

" Bien sûr, maître. Vous conviendrez, j'en suis certain, de la qualité de nos services. "  Répondit rapidement et dans un anglais parfait le maître d'œuvre, en ajoutant quelques courbettes pour la forme.

" Dans le cas contraire, des têtes tomberont... Et sachez que je parle toujours au sens propre, monsieur Dört. "  Précisa le trentenaire d'une voix neutre, sans daigner tourner la tête vers son interlocuteur, qui pâlit et peina à avaler sa salive.

L'entrée de l'hôtel n'égalait bien évidemment pas en prestance le hall du château de Doom ou du QG de l'Alliance, mais restait assez impressionnant, de par un habile jeu de miroirs qui agrandissait les dimensions de la pièce. Des lustres (rénovés, et sûrement pas d'époque !) pendaient au plafond pour donner une fausse impression de majesté, et un épais tapis aussi rouge que moelleux étouffait jusqu'au son - pourtant très audible, d'ordinaire - des bottes métalliques du pire adversaire des Quatre Fantastiques. L'intéressé estima préférable de conserver une apparence intimidante, pour la future négociation. Alara Lorwyn venait rencontrer l'élite criminelle Européenne, il lui incombait de tenir son rôle de figure dramatique pour conserver crédibilité et ascendance auprès de la scientifique aux yeux clairs. Après un délai étonnamment plus long que prévu, le battant de la porte principale bascula, cédant la place à la vendeuse du virus, mallette à la main. Les deux hommes de Doom veillèrent à ce qu'aucun gêneur n'entre, puis se placèrent tels des gardes du corps de part et d'autre de la chercheuse. L'égo du tyrannique régent fut agréablement flatté lorsque la jeune femme à la chevelure châtain trahit sa stupeur par une exclamation de surprise. Souriant derrière son masque, il salua en Néerlandais :

" Welkomm in Rotterdam, docteur Lorwyn. Je suppose que vous savez déjà qui je suis, nous économiserons donc du temps à ne pas nous présenter l'un à l'autre. "

Lors de sa prise de parole, Victor utilisa le micro de son armure pour subtilement amplifier le volume de sa voix. Une petite astuce qu'employait souvent Tony Stark face aux malfrats, lorsqu'il revêtait son armure. Inconsciemment, le cerveau associait une voix puissante avec l'autorité, les humains s'exprimant d'une voix forte étant, dans l'imaginaire collectif, des géants, voire des dieux. Ainsi, une phrase prononcée puis amplifiée devenait comme par magie un ordre pour le cerveau humain, l'inconscient n'envisageant même pas une seconde de mettre en doute la directive formulée.

" C'est d'ailleurs tout aussi bien. Mon temps est précieux. Suivez-moi ! "  Commanda-t-il, habitué à être docilement obéi par ses sujets et administrés.

L'excitation qu'éprouvait le trentenaire à la pensée qu'il pourrait bientôt devenir un être doué de la faculté d'absorption se disputait avec sa méfiance naturelle. Sans preuves à l'appui, son intellect soupçonneux préférait se réserver sur la confiance à attribuer à une jeune femme, aussi brillante soit-elle. Alara pouvait très bien être une espionne du Gouvernement chargée de localiser Doom (même si cela semblait très peu probable, les intermédiaires du baron de métal vérifiant toujours la fiabilité de ses interlocuteurs), une Résistante trop téméraire, une des suppôts de The Hood, ou plus simplement, une chercheuse qui n'avait rien à vendre, à part du vent. Silencieux et taciturne, l'hôte précéda donc son invitée jusqu'à la suite de luxe du deuxième étage, orientée plein sud, et dont la baie vitrée donnait sur le mini-golf de l'hôtel.

Une cheminée en pierres apparentes occupait le centre de la pièce, ronflant de douces flammes d'un orangé revigorant (les nuits étaient fraîches, le long de la Nouvelle Meuse, surtout en cette saison) ; autour de l'âtre gravitaient des fauteuils et divans prêts à accueillir quiconque s'installerait sur leurs coussins. Une lumière hospitalière égayait le salon, illuminant l'espace sans agresser les yeux, et nimbant de reflets irisés les sculptures de marbre décorant la suite. Sur ordre de Doom, on avait installé un ordinateur portable, que Victor lui-même s'était chargé de sécuriser en cryptant les accès, pour pouvoir effectuer le payement de sa livraison (dans le cas assez probable où la vente serait conclue).

" S'il manque quoi que ce soit pour votre confort, demandez, et mon personnel se fera une joie de vous satisfaire. Maintenant, concernant cette petite annonce que vous avez faite... "

Théâtral, l'orateur pivota sur ses talons pour faire face à Alara, ouvrant les bras comme en prévision d'une accolade.

" … Elle a attiré bien des acheteurs, sur le vieux continent. Ce qui était son but, j'imagine. Malheureusement, je ne suis pas très partageur, et, dans la mesure du possible, j'aime être le seul à posséder la dernière nouveauté à la mode. Donc je me suis permis de décourager tous les autres acheteurs. Certains ont immédiatement compris où se situait leur intérêt, d'autres ont dû être... « Persuadés ». L'essentiel étant que vous êtes désormais certaine de traiter en affaire avec un homme d'honneur, qui n'essayera pas de vous doubler, et qui paie ce qu'il doit en temps et en heure."

Monopolisant la parole, Victor dédaigna les sièges, préférant rester debout tandis qu'il poursuivait sur sa lancée, les yeux braqués sur son interlocutrice.

" Entrons dans le vif du sujet, si vous le voulez bien : pouvez-vous me prouver que votre virus fonctionne ? Sur combien d'individus avez-vous déjà testé la formule ?"

Le RP est abandonné Tony, puisque Dr doom ne sait pas connecté depuis plus d'un mois et je crois qu'il ne reviendra pas..........