Justin Hammer: I wanna make Iron Man look like an antique.

I.

Le jeune Justin Hammer observait avec une étrange insistance une boite méticuleusement posée au-dessus d’une cheminée en marbre. La paume de sa main droite caressa le cuir décoratif de la boite de cigares, l’homme brûlait littéralement d’impatience. Un rictus naquit sur ses lèvres fines et rosées. Il scruta l’heure depuis sa montre Jeager-Le-Coultre. Plus que quelques minutes, et son géniteur « tant chéri » franchirait le pas de la porte, sans doute partagé entre l’inquiétude d’avoir reçu des appels insistants de la part de son unique enfant lui quémandant de venir le voir, et contrarié de devoir reporter d'un quart d'heure son arrivée à la réception mondaine de ce soir, bondée de personnalités de choix. Intérieurement, Justin compta les quelques secondes restant avant de voir dix-neuf heures s’afficher sur sa montre. Son père, illustre PDG d’Hammer Industries avait toujours été extrêmement ponctuel. Réglé comme une montre suisse.

« Je suis là. Pourquoi cet appel urgent ? » dit une voix plus que familière aux oreilles de Justin. Le ton sec, comme d’ordinaire ; agitant son téléphone portable d’un air agacé. « Cette réception était importante pour les affaires de la société, Justin. » renchérit le PDG, ignorant que le sourire d’Hammer fils s’était nettement agrandit.

« Je le sais bien, père, j’en ai tout à fait conscience, vous savez. Mais vous ne regretterez pas d'avoir dût partir plus tard que prévu, j’ai eu une prodigieuse idée qui changera votre vie ! » rétorqua Hammer fils en haussant les épaules avec énergie, s’agitant nerveusement dans le luxueux salon de la demeure familiale. Il fit volte-face et s’empara d’une petite boîte en cuir qu’il posa sur la large table ancienne, tout près du canapé dans lequel s’était installé le PDG. « Des cubains. Vos préférés. » Il sourit avec amusement, enthousiasmé à l’idée de présenter à son père son nouveau projet, persuadé même obtenir plus d’importance au sein de la société. Même s’il savait que dans tous les cas une fois son père à la retraite ou décédé, il reprendrait les rennes d’Hammer Industries, son obsession pour le pouvoir était telle qu’il ne parvenait plus à se tourner les pouces inutilement dans des galas de charité en attendant son heure. Il lui fallait diriger maintenant. Tout de suite. Sur le champ. Le monde l’attendait, il le savait au plus profond de lui. « Justin. » gronda la voix grave de son père sous la forme d’un avertissement, habitué aux quotidiennes lubies de son fils unique. « Expose moi donc ton projet, je dois partir le plus vite possible. »

Justin se fit drôlement silencieux, et alla chercher quelque chose sur le bord d’une étagère tandis que son père ouvrait la petite boite pour saisir l’un de ces précieux cigares cubains. A peine eut-il prit l’un d’entre eux entre ses doigts, tandis que ses yeux balayèrent la table à la recherche d’un briquet, Justin le devança et lui présenta une petite flamme orangée et vive contenue dans un mince briquet en or fin dix-huit carats. Hammer senior le remercia d’un simple hochement de tête et éloigna le bout du cigare une fois ce dernier suffisamment imprégné de feu. « Bien, père, comme vous le savez très bien, Hammer Industries est dépassé par d’autres sociétés rivales. Particulièrement Stark Industries. Ils imaginent certainement pouvoir nous évincer, et c’est bien ce qui risque d’arriver, je le crains père, si nous ne les concurrencions pas dés maintenant en innovant dans l’exportation de nos petits bijoux d’armement. » développa-t-il posément, un dossier entre les mains, qu’il tendit à son géniteur. Ce dernier fronça les sourcils en lisant les quelques lignes manuscrites du rapport, avant de le reposer un peu trop brutalement sur la table ; dubitatif. « Le Moyen-Orient ? »

« Nous devons nous imposer non plus comme fournisseurs d’une nation patriotique, mais comme fournisseurs du monde entier. Le monde représente nos plus belles parts de profit. Et je…Je pense notamment à ces terres reculées et avides de nouvelles technologies, prêtes à payer pour un peu d’innovation haut de gamme ! Pimentons leurs maigres et vaines existences. » s’exclama le jeune homme de vingt-cinq ans, ponctuant ses mots avec une certaine forme d’excitation. « Nous leur apporterons beaucoup humainement parlant. » reprit-il, hypocritement.

« Non. » trancha le PDG, avant d’être pris d’une légère crise de toux. « Non ? Doucement, père, ne forcez pas sur le tabac, j’ai encore besoin de vous… » plaisanta Justin avec un rire amusé. « Non, Justin. J’y suis catégoriquement opposé, nous n’armerons en aucune façon les ennemis de notre nation. » Justin soupira, désabusé et afficha une moue grimaçante. « Notre nation ? Nous sommes anglais de souche ! Les Etats-Unis représentent juste l’un de nos plus gros contrats. Nous n’y avons élus domicile qu’à titre…professionnel et en terme de facilités contractuelles. » Glissant ses mains dans les poches de son pantalon de costume, Hammer junior émit un long soupir en voyant le visage tendu et toujours aussi fermé de son géniteur. Il ne semblait pas suffisamment convaincu. Justin ne pouvait nier s’être attendu à une telle réaction de la part de l’actuel PDG d’Hammer Industries, ce dernier avait toujours voué une fascination inconsidérée pour l’Amérique, un amour relevant du patriotisme pur et dur, au grand dam de son fils. « Père allons, ne soyez pas aussi frileux, qu’il s’agisse du marché noir, de groupuscules terroristes situés de part et d’autres du globe, ou bien des Etats-Unis, quelle réelle importance ces rémunérations doivent-elles peser sur la balance ? Ça reste du pognon, tout simplement. Notre pognon, cela dit. »

« J’en ai suffisamment entendu. » cracha le PDG en se levant sans plus attendre, cherchant à tâtons son manteau en laine vierge. Il ferma les yeux durant quelques secondes, le corps parcouru d’étranges spasmes précédant chaque malaise. « Mais, père, attendez ! Je ne parle que de diversité, n’est-ce-pas superbe ça, de varier les plaisirs ? » Malgré ses protestations, son père ne daigna pas s’attarder davantage sur ce débat épineux. « Justin, je suis fatigué. Nous en reparlerons à mon retour, en attendant, médites là-dessus, et bon sang. Grandis un peu ! Un jour, peut-être bien que tu comprendras ma décision. »

Justin se laissa retomber sur le canapé, une fois son géniteur dehors, un sourire en coin. Il contempla la précieuse boite de cigares et en pris un dans sa main, humant délicatement cette odeur de tabac mêlé à un poison des plus efficaces. Hammer fils savait parfaitement, en connaissance de cause, que jamais son géniteur ne lui cèderait aussi facilement le contrôle de la société, et n’acquiescerait sans doute pas à ses propositions antipatriotiques. Justin savait aussi qu’il s’empresserait de prendre le volant de sa Bentley pour partir à cette fameuse réception dont il n’avait cessé de vanter les mérites depuis deux mois. Il ne louperait cela pour rien au monde. Ce qu’Hammer senior n’avait pas prévu, c’était que son propre fils avait eut dans l’idée de modifier la contenance de ces exquis cigares cubains, et de le retenir suffisamment longtemps pour laisser les effets du poison commencer à être efficaces une fois au volant, sur l’autoroute. Ce ne serait plus qu’une question de minutes avant que le téléphone ne sonne et annonce un tragique accident.

A seulement vingt-cinq ans, Justin Hammer n’aurait jamais crut pouvoir s’emparer des rennes de la société aussi vite.

II.

« Je suis Iron Man. » clama une voix rauque, au ton grave mais décelant néanmoins un brin de provocation.

Les images de la conférence de Stark Industries ne cessaient de passer, puis de repasser sur toutes les chaînes d’information. Le visage de Tony Stark s’affichait en boucle, sous les exclamations des médias, surexcités par cette annonce tonitruante. Justin Hammer, installé dans un fauteuil en cuir bordeaux, derrière son bureau en chêne massif posa sa main sur son front, cherchant sa tempe des doigts dans le but de la masser nerveusement. L’exaspération de l’industriel britannique était telle qu’il en avait la migraine. Anthony Stark. Le petit prodige de l’Amérique. Le Golden Boy. Dieu seul savait à quel point cet homme commençait sérieusement à taper sur les nerfs d’Hammer. Lorsqu’il n’en tint plus, l’anglais s’empara de la télécommande et coupa brutalement le son, comme s’il espérait que cette vive frénésie mêlée à l’intense désir de voir son rival de toujours être réduit au silence pour toujours suffirait à exaucer ses vaines prières. En fin de compte, même si Justin s’efforçait de trouver quelque chose de sympathique à dire sur Tony Stark, même s’il essayait profondément de lui dénicher une qualité, il ne parvenait pas à en trouver une de suffisamment positive pour parvenir à la réutiliser devant une caméra. Le phénomène Stark prenait bien trop d’ampleur pour sa société. « Iron Man. »

Tout le monde l’acclamait, tel un vainqueur. Le peuple voulait des armures. Des « Iron Man » par centaines. Et Hammer s’avouait pour la première fois vaincu. Il avait pourtant tenté, financé des dizaines d’essais en plein air, réfléchi longuement aux nouvelles technologies, mais aucune de ses conceptions n’était aussi efficace que celles de Stark Industries. Aucune armure à présenter au peuple. On ne l’acclamerait pas tel un héro, non, pas lui. Stark, certainement oui. Comme toujours. Tout le monde préférait Tony Stark. Étais-ce son nom qui glissait avec bien plus d’aisance sur la langue, qui sonnait bien plus « classe », ou « cool » comme disent les jeunes ? Stark n’était pourtant pas l’unique génie des Etats-Unis. Hammer était convaincu de son potentiel, après tout, n’avait-il pas été diplômé d’Oxford avec mention ? N’était-il pas lui aussi, un brillant inventeur ? Hors, tout le monde n’en avait que pour l’américain. Cette pensée fatiguait Hammer, lui filait la nausée, la migraine, la névrose. Il n’en pouvait plus de voir sa sensibilité exacerbée ainsi éraflée par l’opinion publique à cause d’un seul homme. Il se leva d’un bond, décidé à ne plus laisser Stark Industries évincer son propre business. Hammer contourna son élégant mobilier Louis XIV, et reboutonna correctement sa veste de costume gris perle en dévalant les escaliers du hall d’entrée. Qu’importait l’avis des autres, il saurait surpasser Stark et son Iron Man. Dans un futur bien proche, sa compagnie s’érigerait en pionnière avant-gardiste dans le domaine des nouvelles technologies, l’industriel en était persuadé. Son égo ne pouvait prétendre le contraire. Personne ne reléguait Justin Hammer au second plan aussi impunément. Personne.

III.

Bien des années s’étaient écoulées depuis cette révélation, depuis tout en réalité. Stark n’était plus le célébrissime industriel qu’il se vantait d’être depuis longtemps, non bien au contraire, au plus grand désarroi d’Hammer, il avait été élu Président des Etats-Unis. Mais comme une déception n’arrive jamais seule, une chose particulière ravissait Hammer, l’aidant à accepter la popularité naissance de son rival. Après tout, Stark à la maison blanche, plus personne ne pouvait désormais faire de l’ombre à sa société. Lorsque la guerre civile éclata, l’anglais n’en avait nullement été effrayé. Il s’était au contraire sentit étrangement en position de force. Ravi de constater que les choses ne pouvaient pas mieux tourner en la défaveur du nouveau Président ; cette guerre entre super héros, les nombreux décès engendrés par ces derniers parvinrent à faire de l’opinion publique son principal soutien. Enfin, on admettait que les exploits technologiques de Stark, cette accumulation d’êtres aux pouvoirs surhumains pouvaient potentiellement représenter un danger pour la nation. Même si Hammer n’avait aucune animosité particulière pour ces surhommes, il jubilait intérieurement de la situation politique. Bien loin d’être étroit d’esprit, il lui était même arrivé de collaborer avec Doom durant un certain temps ; du moment que ses affaires se portaient toujours aussi bien, rien ne l’impressionnait. Justin Hammer considérait qu’on était tout à fait apte à négocier avec qui que ce soit, surhumain ou non. Il avait même, avec un enthousiasme certain, rejoint The Hood en devenant le consultant en armement attitré de cette sombre organisation criminelle. L’argent appelait l’argent, le pouvoir appelait le pouvoir. Nous demeurons, aux yeux d'Hammer, tous égaux dans ses sombres desseins.