J’avais marché longtemps dans les rues sans but précis. Il y avait trop de monde ; je devais toujours ralentir pour laisser passer les gens. Je devais toujours faire attention a là où je mettais les pieds. Cela me fatiguait. Mais il fallait que cette ville me paraisse familière, il fallait que je m’approprie ses rues, ses boutiques, ses habitants…

New-York m’était presque sympathique finalement. Je me suis arrêté et je me suis offert un sandwich au poulet. Cela m’a fait sourire… maintenant que j’allais avoir de l’argent, j’allais pouvoir manger tous les sandwichs que je voulais. Et si je continuais à être aussi proche de mon criminel adoré, j’allais finir par être presque puissante. Je me sentais bien. Ma condition m’épanouissez. Mais j’avais envie de sortir Reine Echo de ma tête. Elle n’en pouvait plus d’être enfermé, il fallait qu’elle sorte et qu’elle explose tout. Mais cela me faisait peur ;  j’étais peut être une hors-la-loi, mais l’héroïne qui était au fond de moi me paraissait tellement plus nuisible que la petite hackeuse que j’étais.

J’en avais marre des grands boulevards, j’ai bifurqué sur ma gauche, puis sur ma droite. J’étais dans une petite ruelle, calme, lugubre. Dangereuse. Je me suis mis à sourire, une fois de plus. Cette odeur de mort et d’angoisse me rendait dingue. J’avais le dos tourné quand j’entendis deux voix derrières moi. Des voix malveillantes.
Tout était allé vite. Ils se sont avancés, m’ont bousculé, m’ont demandé des choses. Ils ne faisaient pas dans l’originalité. J’ai pris un air tremblant et fragile. Et puis au dernier moment j’ai relevé la capuche de mon sweet rose sur mon crane. Je me suis mise à rire, à rire pour moi. J’ai reculé de trois pas. J’ai attrapé une barre de fer, coincée entre deux volets usés. Je l’avais repéré depuis le début. La magie de l’observation. Et j’ai frappé, brutalement. Je ne faisais pas dans l’agilité, mais dans la puissance. Quand le second homme fut à terre, la barre de fer se coinça dans son cou, je m’abaissai vers lui.

- Désolé beau gosse, je tiens trop à mon fric. Mais tu es a croqué.

La barre frappa brutalement son crâne. J’ai vérifié son pouls. Il était encore vivant, je n’étais pas une tueuse. Tant mieux. Je me suis relevé et j’ai entendu quelqu’un derrière moi. Mon arme était encore dans ma main. Je me suis retourné. Il avait bel et bien un homme.

- Excusez-moi pour ce spectacle.

Ce pauvre homme avait en face de lui une jeune fille encagoulée, habillée d’un pull rose et d’une jupe plissé, tenant dans sa main fragile une barre ensanglantée. Ce pauvre homme avait en face de lui Reine Echo. Héroïne a son actif.

Je m’efforçai à sourire pour ne pas paraître nerveuse. Je jetai un regard sur l’homme puis sur son téléphone. Je me retournai un peu, ouvrit mon sac à dos et en sortit un châle en tissu fin, gris. Je le nouai autour de mon cou et le fit remonter de sorte qu’il dissimule un peu le bas de mon visage. Mes yeux, cachés sous la capuche, se posaient une nouvelle fois sur l’homme.

-          - Bien sûr qu’il faut appeler les urgences. C’est votre devoir de citoyen Monsieur. Si ils vous posent des questions dites leurs que vous avez vu l’agresseur et qu’il agissait de sang-froid. Après, si vous ne voulez pas me faire de la pub, ne dites rien, cela m’est égale.

Je souriais. Il n’avait pas l’air d’un brave monsieur apeuré. Il avait l’air d’être un peu plus que cela. J’espérais qu’il n’était pas de la police. J’aurais toujours trouvé un moyen de me sortir de ce problème mais je préférai ne pas avoir à le faire. Je me demandais bien ce qu’il pensait de moi à cet instant. Me prenait-il pour une faible jeune fille ou pour un vulgaire voyou ? Je ne savais pas. Mais je restai planté devant lui, les mains dans les poches.

-         - Je reste ici. Je tiens à vérifier que vous appeliez bien les urgences. Je l’aurai bien fais moi-même mais j’ai tellement de choses à faire, je ne pourrai pas les attendre.


J’échappai un petit rire et sorti de ma poche un écran : le Décodeur. Je fis coulisser le petit clavier et tapa quelque mots. Le décodeur venait de trouver le signal de son téléphone. Je n’avais plus qu’à attendre que ce gentil monsieur en costume fasse ce qu’il avait à faire. Je jeta un court regard vers l’arrière. C’est bon, je n’allais pas avoir de mal à escalader le mur qui était dans mon dos. Inutile de repasser par les grands boulevards.