”Celui qui n’a rien et donne tout, donnera toujours plus que celui qui a tout et ne donne rien.”
Theme Song
Pour commencer, mon nom est Aarto Rovan.
Je suis né en 1917 dans un petit village de campagne, en pleine Carélie. A l’époque, c’était encore l’Empire Russe qui gérait cette région... puis ça a été Finlandais. Puis à nouveau Russe.
Enfin, tout cela ne vous intéresse guère je pense, revenons en à moi...
Je suis donc le frère aîné d‘une famille de trois enfants, dont une sœur et un frère cadet. Mes parents étaient l’archétype du couple de paysans Caréliens, alternant travaux domestiques, agricoles, et bûcheronnages. La guerre civile Russe puis la Finlandaise est passée sans nous toucher directement, si bien que j’ai pu grandir de manière correcte jusqu’à ma majorité. Non pas que j’ai été vraiment riche ou choyé, non, la vie était assez rude mais...on s’en sortait pas si mal.
Jeune adulte, je suis parti un petit temps vers Helsinki, pour gagner suffisamment d’argent pour nous constituer une petite réserve en cas de problèmes. Si j’avais su...j’aurais préféré rester au pays un peu plus longtemps...avant de...
De les perdre.
...
En 1939, lorsque la Guerre a éclaté, j’ai été mobilisé, comme beaucoup d’autre, pour défendre le pays contre les Soviétiques...
C’est pas une chose à vivre.
Personne ne devrait vivre ce genre de choses. Personne ne devrait voir ce que j’ai vu, ou même les choses que j’ai fait... la guerre...ça ne prend vraiment fin que pour ceux qui y restent... comme mon frère.
Lorsque la guerre à fini, mon petit village de Carélie s’est retrouvé du mauvais côté de la frontière. Mais de toute façon, plus personne ne m’y attendait.
Alors en 1941, lorsque la Guerre a repris, je n’étais déjà plus que l’ombre de moi même. Pas une loque, non. Juste un concentré de haine et de colère.
...
A un moment donné, je me suis retrouvé au sein de l’armée Allemande, avec quelques centaines d’autres de mes compatriotes, que notre pays ne pouvait pas équiper, et avons donc combattu sous l’uniforme à la croix gammée.
Hey. Comme vous pouvez l’imaginer, c’est plutôt dur à reconnaitre aujourd’hui....mais bon..l’ennemi de mon ennemi...vous connaissez la chanson.
Après beaucoup de combats, de sang versé et de massacres, une poignée d’entre nous avons été choisis pour faire partir d’un programme d’entraînement, afin d’augmenter nos compétences au front. Bien vite, notre véritable utilité nous a sautés aux yeux.
...
Vous avez déjà entendu parler des horreurs que ces salauds ont fait dans leurs camps de concentration ? Tous ces tests de résistance à la douleur, chaleur, ces types dont on a crevé les yeux en essayant de changer la couleur de leurs yeux... J’ai vu ces saloperies. Et j’ai rien dit. Je me suis contenté de détourner le regard, de les ignorer.
Je sais, c’est peut être pas grand chose vis à vis de ce qui vous intéresse. Mais je crois que c’est à cause de ça que j’ai perdu foi en nous autres, humains. Pas car certains n’ont rien fait, mais car d’autres demandaient à ce que se soit fait. Comment on peut vivre avec ça sur la conscience... je ne sais pas.
Toujours est il, que l’unique raison pour laquelle moi même et d’autres auxiliaires non-Allemands avons fini là bas, c’était pour subir les tests que les Nazis ne voulait faire subir ni à leurs soldats, ni à leurs victimes. Trop dangereux pour leurs gars, trop inhumain. Trop de risque de rendre leurs victimes capables de se rebeller.
Ce que j’ai subit là bas, je ne sais plus exactement... des injections diverses, des tests, de nouvelles injections, à n’en plus finir...
La douleur la première fois. Savoir que ça va recommencer, ce qui va venir la seconde fois. Et ensuite, penser que ce sera ça jusqu’à la mort.
Et enfin, comme une libération, le noir et l’oubli.
Je ne suis plus capable de me rappeler de la fin. Et je ne veux pas m’en rappeler. Mais je crois qu’ils ont du finir par me tuer avec tous leurs produits, et abandonner mon corps quelque part.
Je me souviens m’être réveillé dans le froid de l’hiver mourant, couvert de neige. C’était la nuit, mais je me rappelle que revoir ces quelques étoiles à travers les nuages... ça me semblait tellement irréel que j’en ai pleuré...
Puis la lune me semblait si belle, que je suis resté longtemps à la contempler, allongé dans la neige... j’ai pris conscience de mes capacités cette nuit là, alors que je comprenais le sens des hurlements des loups. Et que je les rejoignais. Aussi stupide que ça puisse paraître.
J’étais lassé de l’humanité, alors j’ai fini ma guerre avec eux. Lâche ? Peut-être. Stupide ? Sans doute.
Ca devait être les années 50, quand j’ai décidé de quitter l’Europe, pour m’isoler dans le Nord Canadien. Le froid ça à toujours été mon truc. Les grandes forêts froides du Nord. Pas en Russie, pas en Scandinavie. Trop de mauvais souvenirs.
J’ai passé des années à éviter un maximum le contact avec les autres humains, vivant de moi même là-haut. Je suis presque un bout de la nature, alors je la comprends suffisamment pour savoir comment m’en sortir.
Puis, il y a quelques années, j’ai senti que ma vie devait être plus utile que ça. Alors j’ai commencé à me rapprocher de temps à autre des autochtones de ces forêts. Puis j’ai pris leur défense à certaine occasions. J’ai travaillé comme forestier un temps, sans diplôme, mais avec suffisamment de talent pour qu’on ne me pose pas plus de questions.
Je suis ensuite reparti sur la route, pour « voir du pays » comme on disait de mon temps. Juste moi, mes chaussures et mon sac.
Dernièrement, quelqu’un à eu la très mauvaise idée d’exploiter les sols bitumeux d’une jungle au Brésil. Je ne pouvais pas laisser faire ça. C’est pour ça que je suis allé jusqu’à Washington pour m’entretenir avec ce type. Ca doit être à ce moment que vous m’avez repéré, vous ou l’un de vos hommes. Je n’aurais pas du envoyer ce grand type baraqué qui le suivait valdinguer comme ça, c’était idiot, et très risqué pour lui, je m’en excuse encore. J’espère qu’il n’aura pas de problèmes vis à vis de son travail. Mais je devais vraiment parler à l’inconscient qui gère cette entreprise. Et s’il était au courant des effets que ça a, le remettre dans le droit chemin. Pacifiquement.
Maintenant, si ça ne vous dérange pas, j’aimerais juste demander deux choses : je peux avoir mon verre d’eau et savoir ce qui se passe avec ce fichu recensement ?