Les démons sont les oeuvres des Humains. J’ignore s’ils existent réellement mais nous sommes assez grands pour les créer nous-mêmes sans l’aide du Malin. Je t’ai aidé du mieux que j’ai pu et pourtant, que Dieu m’en garde, j’ai été tenté, torturé par un démon qui me connaissait que trop bien. Je suis loin d’être le seul. Toi-même, tu as tes démons. Pour comprendre un être démoniaque, imagine-toi avoir cédé à tes désirs même les plus simples.

Beaucoup ont cédé. Je ne te demande pas de leur pardonner. Le pardon appartient à Dieu. Contente-toi de te montrer brave, usignolo mio.

Un appel du Gouvernement. La nuit, la veille de son départ pour le Japon. Heureusement que les enfants étaient endormis, Nathalie détestait quand ses responsabilités de super-héroïne lui volaient ses instants avec les enfants. Apparemment, on voulait qu’elle effectue une ronde de routine dans les alentours du port et surveiller les derniers départs de la journée. Les frégates et cargos cachaient bien plus de secrets que les dessous du bureau ovale. Autant se parler de sa plus belle tenue de combat pour assurer ses arrières en se réservant une prière pour que cela se déroule sans accrocs. Alors qu’elle se préparait, Nathalie entendit des bruits de pas étouffés par les longs tapis du premier étage. Un enfant avait une envie pressante ? N’obéissant qu’à son instinct maternel poussé, Nathalie sortit de sa chambre en tenue de combat, monta les escaliers quatre à quatre et tomba sur une tête blonde à couettes et des joues rosies marquées par des larmes.

- Claire… Tu as fait un cauchemar…?

Elle ne répondit qu’en baissant la tête. Nathalie la prit dans ses bras et la porta jusqu’aux toilettes pour laver son visage et la rassurer. La petite ne parlait presque pas. Cela rappelait la petite Nathalie, incomprise dans son mutisme. Doucement, elle lui chantait un air ce qui réussit à lui arracher un petit sourire. Calmement, la musicienne raccompagna Claire dans son lit et en quitta le chevet dès qu’elle perçut sa respiration lente et profonde. Bien.

Rien que pour cette raison, Sona n’acceptait pas qu’un adversaire fasse à ce qu’elle ne revienne jamais. Elle reviendrait. Laisser tomber cette promesse reviendrait à briser la raison pour laquelle elle était Sona.

Une heure plus tard, la voilà déambuler entre les ombres des hangars désaffectés. Enfin… Les rongeurs y trouvaient des nids douillets pour leur progéniture. Ils en avaient de la chance. Et pourtant, certains de leurs couinements semblaient alarmants… Ils étaient comme excités… Et encore une fois, elle suivit son instinct. Encore une fois, cet instinct ne la trompait pas : un des gardes avait été tué, la gorge tranchée. Rapidement en prenant soin de garder ses arrières, Sona prit la cibie accrochée à sa ceinture. Rapidement, elle appuya alternativement le bouton pour prendre contact avec les gardes environnants et capta un garde près d’elle.

- Derrière vous, avertit Sona.

Derechef, le garde brandit le canon de son 9mm vers elle. Calmement, les mains bien en évidence, elle sortit des ombres et présenta sa plaque du Gouvernement.

- Il semble qu’il y ait un intrus dans les parages. Alertez les défenses présentes et des renforts.

Elle fit signe qu’il garde le silence et s’enfonça dans les ombres encore pour suivre la piste encore chaude du meurtrier. Les rats semblaient plus excités vers les docks. Prudemment, Sona sortit sa harpe et fonça, les oreilles bien ouvertes.

C’était comme un cauchemar fait de métal et de sang. Au fur et à mesure qu’elle remontait la piste, Nathalie essayait de calmer son cœur qui battait la chamade. Quelle créature était donc capable de tuer aussi facilement ? Quoi qu’il advienne, elle devait faire son devoir avant qu’il y ait d’autres victimes. Malheureusement, ses macabres découvertes la firent vite déchanter. Après une brève prière peu inspirée, Nathalie prépara sa harpe. Elle n’était pas seule.

Soudain, deux gardes lui firent face, armés de fusils avec lampe intégrée, braqués sur elle.

L’un d’entre eux baissa rapidement son arme et fit signe de tête à son co-équipier de faire de même.

- Vous n’êtes pas blessée, mademoiselle Paliss… ?

La mort l’avait fauché, lui et l’autre garde aussi. Dans un bruit de vrombissement de métal dense, de chair coupée et de masse tombant sur le bitume.

Une grotesque et macabre symphonie.

Nathalie ne se mit pas à couvert, elle pouvait reconnaître cette froideur dans ces mouvements. Un génie cachait bien des ombres. Et un ricanement pas très glorieux non plus.

- Ça fait un bail Nathalie !

Elle n’avait aucun besoin d’effort pour se souvenir de sa grace féline, de sa silhouette, ses cheveux et ses yeux qui ne voyaient que des morceaux de chair et d’os dans ses semblables. Une beauté dérangeante. Une logique dérangeante.

Non. Attendez. Qui était-elle pour se permettre de voir dans des vies des flacons, des tubes à essai ou des poupées de chiffon bonnes à être jetées ?

Ignoble. Parfaitement.

Et pourtant, jadis, Nathalie saluait sa personne. Un démon dans une boite. Même réduite à cette image, la harpiste ne pouvait oublier les souvenirs doucereux et plaisants d’autrefois. Ni l’inexplicable frisson dès qu’elles se regardaient en face.

- Alara… Diantre…

Finalement, les mots mourraient dans sa tête et à travers ses cordes pincées de sa harpe. Elle finit par jouer un air triste pour bien lui faire comprendre toute sa peine et ses désillusions. Des cadavres et une reconnaissance à peine surjouée. Elles n’étaient pas amies mais jamais Nathalie ne pensait retrouver Alara de la sorte.