Douce, calme et réservée, Nathalie a toujours été vue comme une femme discrète et bienveillante. De l'orpheline à sous-directrice d'orphelinat, elle a toujours accepté sa condition d'avoir comme parent le Gouvernement américain pour soutenir des enfants qui n'aspirent qu'à trouver une vraie famille aimante. Néanmoins, elle a des passions et même un but : devenir une vraie artiste. Etre une super-héroïne n'est jamais venu par choix, mais par volonté de développer ses pouvoirs. Une pacifiste comme elle se battre ? Quand il s'agit de défendre oui, mais elle n'est pas une combattante. Elle peut d'ailleurs être assez horripilante à la voir si calme et si passive, mais cela fait partie d'elle et les enfants l'adorent pour cela. Elle n'a donc aucune raison de changer.

Nathalie est une mutante qui possède le don d'analyse et d'utilisation des sons et des vibrations. Elle peut susciter des émotions chez les autres grace à son instrument et projeter sa parole par la pensée dans la limite de deux personnes voire trois en poussant un peu plus. Grace aux différentes vibrations, elle peut provoquer des impulsions et découper des objets à distance jusqu'à base d'acier à certaine densité, elle pourra découper le canon d'une arme mais certainement pas un blindage performant. Plus elle s'entraînera, moins elle rencontrera de résistance.

Aimant se vêtir avec des corsets, elle adopte un plus souple et avec des jupes de cuir et de pvc amples où se cachent des trous cerclés de métal de différentes tailles pour créer des notes autour d'elle en agitant les jupes dans les airs. Elle ne s'arme que d'une petite harpe de métal et garde un ocarina en terre cuite lourde cachée dans ses jupes.

Sans le savoir, deux êtres s’unissent pour en former un troisième. Un être pur pour certains et d’autres avec le péché originel. Cet être allait connaître seulement la même chose que sa mère, dotée d’une mutation dans son code génétique. Pour s’être séparée de cette adorable petite fille ? Comment le conjoint allait le comprendre ? Un être différent, un être qui allait être surprotégé sans comprendre pourquoi bien au-delà de ses premiers pas ? Elle avait assez de courage pour cette partie-là. Alors, pourquoi la fuite ? Le danger. Elle n’avait pas l’air camée, ni nerveuse. Juste paniquée, des regards vers l’arrière comme une renarde dans une forêt d’Angleterre.

Jamais la mère ne verra ses membres s’allonger, sa silhouette s’affiner, ses traits de femmes mêlés avec ceux du père. Non. Le pas lourd, les joues humides, les yeux tristes et sans vie de la femme va la conduire vers un orphelinat sous la tutelle du gouvernement. L’endroit est morne, le gazon jauni où il n’est pas dégarni. Et pourtant, c’était trop tard pour faire machine arrière. Elle allait devoir disparaitre sans laisser de traces. Dans quelle histoire s’était-elle mise ? Assez dangereuse pour abandonner la chair de sa chair au perron d’un établissement aussi accueillant qu’un manoir hanté. Entre deux maux, il fallait bien choisir le moindre. La misère et l’abandon plutôt que la mort.

Elle n’avait même pas pu penser à un nom. Juste sa vie.

Un objet, une reconnaissance, un signe d’attachement, la mère laissa juste sa petite harpe de métal blanc. Une preuve même fugace qu’elle n’était pas née en vain. Elle devait être aimée, même de loin.

Comme dans tous les orphelinats à l’accueil d’une Jane Doe, l’enfant de deux semaines à peine fut prénommée Nathalie, la sainte portant le jour de sa découverte. La petite grandit vite et bien, attirée par tous les sons et les lumières, mais calme par excellence. Étrange, mais les tuteurs pensaient qu’une enfant aussi remarquablement sage, souriant facilement et qui s’éveille rapidement ne pourrait que rapidement trouver des parents.

Finalement, le temps passait et pourtant, aucun son de la jeune Nathalie ne leur parvenait. Une fille pourtant si agréable ne pouvait piper mot ni laisser un seul son sortir du fond de sa gorge.

Les saisons se poursuivirent sans aucun adulte à vouloir d’elle. Sa harpe à la main, elle passait son temps à essayer de faire de la musique en autodidacte ce qui fit d’elle une source de bienfaits dans l’orphelinat. Rapidement, tout le quartier connaissait la petite prodige à la harpe qui savait captiver son public de fortune. Certains passants lui donnaient un peu d’argent qu’elle voulait donner à ses tuteurs qui refusaient. Ainsi, elle passa son temps à acheter quelques sucreries aux autres pensionnaires. Le bouche à oreille suivit son court jusqu’à arriver à celle d’un musicien de bonne famille, Rafael Alfado. Plusieurs fois, il vint à l’orphelinat pour l’entendre jouer et lui prodigua des conseils qu’aussitôt elle mit en pratique. L’homme d’expérience voulut lui apprendre plus, l’homme intrigué par le mystère d’un tel don voulut le percer et celui au cœur seulement dévoué à la musique et à Dieu vit en elle une muse qui ne demandait qu’à s’exprimer malgré son mutisme.

A chaque retour au foyer familial, il essaya de convaincre sa femme d’adopter Nathalie qui refusa maintes fois, déjà comblée par trois enfants, ne voulant pas prendre en charge une pré adolescente muette. Elle fut choquée d’entendre son mari lui promettre de prendre l’enfant à charge, un homme qui avait toujours laissé la tendresse à la femme et à lui, la fermeté d’un père. Elle ne put refuser à cette promesse et enfin, il partit derechef demander à Nathalie de venir avec lui. Il n’eut comme réponse la chanson qu’il avait écrite pour elle à la harpe.

Canta per me.

Il aurait juré qu’il entendait une faible voix résonnant dans sa tête. Si belle. Aérienne. Cela ne pouvait qu’être la sienne.

Et il rangea rapidement cette pensée, que pour lui. Nathalie était importante. Ce regard noisette, ses lèvres qui tentaient fébrilement de lui donner le meilleur sourire qui pouvait exister… Il la prit dans ses bras, ils restèrent ainsi des minutes entières. La Terre aurait pu arrêter sa course. Un hiatus dans le monde et dans le leur une heure révélatrice.

Même étant sous la tutelle de Raphael, Nathalie gardait ses liens avec l’orphelinat avec des cadeaux sous le bras et le résultat de ses progrès et non seulement à la harpe, mais aussi au violon. A chaque visite, Raphael se déplaçait avec elle comme s’il avait peur qu’elle ne veuille plus revenir. Et à chaque fois, elle jouait la chanson écrite par son bienfaiteur. A chaque fois un peu plus, il entendait sa voix. Cette chanson qui parlait de gratitude d’une fin de relation l’attristait, il ressentait toujours le besoin de la prendre dans ses bras pour lui montrer qu’il était là pour elle.

De l’adolescente, Nathalie devint jeune femme accomplie faisant le bonheur de ses professeurs et donnait des récitals de différents instruments. Elle ne se séparait jamais de sa harpe et gardait le violon juste pour les moments entre eux. Des moments toujours en suspens dans le temps, dans l’air. Des moments de complicité qu’il n’avait jamais eus avec ses propres enfants. Bien entendu, cela créait des jalousies surtout de la part de la fille cadette, Cristina. Alors qu’elle surprit encore des regards attendris entre Nathalie et son père, Cristina hurla sur Nathalie alors qu’elle était en train de travailler avec le violon et la gifla si fort que l’archet se frotta abruptement sur les cordes et de l’autre côté de la pièce, un vase se brisa, répandant les roses fraîches du matin. Affolée, Cristina s’en alla rapidement rattrapée par son père. S’en suivit une terrible dispute où Cristina reprochait à son père de penser à son artiste préférée disparue. Oui, apparemment, il avait sous-estimé l’intimité entre ses enfants et sa femme. Elle ne s’était pas gardée de parler de ses secrets. Pendant ce temps, Nathalie ne pouvait ignorer la conversation, mais se garda de sembler intriguée ou désarçonnée par le comportement de Cristina.

A ses vingt printemps, Raphael l’invita à passer un moment ensemble. Il devenait un peu vieux pour des voyages en Corse, en Sicile ou à Paris. Nathalie se fit belle pour qu’il n’ait pas à regretter la qualité de son attention. Une belle robe blanche. Pourtant, Raphael semblait être soucieux et finalement, Nathalie resta devant lui, toujours muette, mais ne chercha pas non plus le contact visuel. Finalement, il lui demanda de chanter pour lui. Pensant qu’il parlait de leur chanson, elle alla vers le violon, mais il la prit par le poignet doucement et lui redemanda de chanter pour lui. Nathalie sentait son cœur battre si fort, mais chanta finalement dans sa tête en mimant les phonèmes de ses lèvres. Sa prestation terminée, Raphael prit enfin sur lui et lui révéla son secret sur la voix qui résonnait dans sa tête. Nathalie ne comprit pas tout de suite et passa leur soirée à tenter des expériences avec des instruments divers.

De temps en temps, elle arrivait à faire bouger ou faire tomber des objets. Nathalie craignait de faire peur à son protecteur, mais elle vit dans ses gestes l’envie de l’aider et surtout de comprendre ce qu’elle était. C’était étrange… Comme s’il savait comment son pouvoir se déclenchait… Elle n’osait pas demander et se concentra exactement comme Raphael lui demandait, mais cette fois-ci avec sa harpe et le violon. Net, elle scinda des objets avec ces instruments. Apparemment, sa maîtrise de ce pouvoir se calquait sur sa maîtrise des instruments ou plutôt des sons qu’elle sortait de toutes choses. Tout était son. Ensemble, plus que jamais, ils tentaient de comprendre toutes les cordes du pouvoir de Nathalie. Il n’était donc pas qu’une question de faire émerger des émotions chez les gens, mais d’utiliser des vibrations bien spécifiques. Nathalie s’entraîna sur divers instruments et sur les sons environnants pour qu’elle puisse utiliser son pouvoir sans l’aide d’instrument. Cependant, elle ne comprit absolument pas comment elle arrivait à parler d’un esprit à un autre.

Après une étude approfondie, Raphael put lui expliquer correctement. Les vibrations sont produites par tout ce qui les entourait. Nathalie pouvait projeter et forger des vibrations spécifiques. Elle n’était pas sourde, loin de là, et grace à son oreille très fine, elle envoie des phonèmes dans une partie bien distincte du cerveau humain. Les émotions qu’elle produit sur son public obéissaient à la même règle. La projection de lames vibratoires aussi. Elle pourrait donc créer aussi des impulsions. Comment Raphael savait tout cela ? Enfin. Cette question ne pouvait plus attendre davantage pour sa réponse.

Raphael semblait bouleversé à l’idée de révéler tout ce qu’il savait. Il l’amena dans sa salle de projection privée où il fit tourner un concert d’une certaine Leena Palissander. Une cantatrice courtisée par Josefo Alfado, le frère aîné de Raphael qui administrait la branche moins honorable de sa famille, celle de la mafia italienne implantée aux Etats-Unis. Il lui conta l’histoire de ces amants maudits. Leena ne voulait absolument pas devenir le bijou d’un mafieux, mais Josefo était réellement amoureux d’elle, tenant même jusqu’à la promesse de se retirer des affaires fumeuses pour elle. Malheureusement, ce n’était pas dans les projets de leur père de laisser son héritier filer juste pour un joli minois. Il tenta d’acheter la cantatrice pour qu’elle reste aux côtés de son fils pour lui laisser une bonne raison de rester. Cependant, il avait bien spécifié qu’il n’y aurait pas de mariage entre les deux personnes. Malheureusement, l’amour était déjà consommé derrière le dos du patriarche. Une fille naquit, qui devait être cachée au plus vite. Avec émotion, il tendit une coupure de journal sur la mort de la cantatrice, assassinée dans sa chambre d’hôtel. Josefo savait que c’était l’œuvre de son père et le tua pour après se donner la mort.

Raphael pleura, il aurait aimé arrêter le geste désespéré de son frère pour l’aider à remonter la pente et le pousser à chercher sa fille. Nathalie sortit rapidement de la salle et s’enferma dans sa chambre pour pleurer. Elle s’était imaginé tout bonnement une mère n’ayant pas le courage ou les moyens de l’élever et non une histoire aussi tragique derrière son abandon.

Patiemment, Raphael resta devant sa chambre pour être prêt à l’accueillir. Il était donc son oncle et pourtant…elle l’adorait comme une femme pouvait aimer un autre homme. Nathalie se détesta d’autant plus, elle se sentit tellement laide dans son for intérieur que cela la fit tomber malade. Raphael était désespéré et resta auprès d’elle tous les jours. Il essaya de la consoler, de lui dire qu’il fallait aller au-delà de ces révélations. Enfin, elle lui révéla son amour pour lui, un amour contre-nature et pourtant, Raphael lui sourit et en pleura de bonheur. Il n’était nullement question de rejeter ses sentiments, mais il ne pouvait lui répondre car non seulement ils étaient de la même famille, mais il avait un devoir envers Dieu et sa femme quand il avait prononcé ses vœux devant l’autel. Et pourtant, il lui avoua qu’il ne pouvait s’empêcher de la regarder comme une femme, comme il percevait sa propre mère, mais encore, par volonté de respecter les sentiments de son frère, il n’était pas allé plus loin que la dévotion envers Leena. Raphael aimait profondément sa nièce, mais d’un amour qui pouvait se révéler destructeur, qu’il contenait du mieux qu’il le pouvait. Au moins, les choses étaient plus claires pour eux et Nathalie reprit des couleurs et des forces pour reprendre son travail et ses concerts, toujours, sous l’œil protecteur et doux de Raphael Alfado. Enfin, Nathalie prit le nom de Palissander. Elle était la fille de la célèbre cantatrice Leena Palissander.

Les années défilaient, son pouvoir se développait petit à petit, la complicité entre Nathalie et Raphael ne cessait de croitre. Nathalie savait que jamais elle ne serait la femme de son oncle et pourtant, elle persistait dans la voie du célibat. Le lien de la musique était le seul monde où ils pouvaient être ensemble sans que personne n’ait à redire.

Un jour, l’oncle de Raphael invita la famille à venir le voir pour célébrer son anniversaire. Il se faisait très vieux et voulait profiter qu’il ait encore ses yeux pour voir la famille au complet. Raphael prit ses dispositions pour aussi convier Nathalie pour qu’elle ne reste pas seule dans leur grande villa.

Le plus vieux des Alfado, Angelo Alfado accueillit les siens en grandes pompes, de même pour Nathalie dont il demanda une faveur : l’entendre chanter. Elle ne put se résoudre à refuser et prit le violon offert par son oncle pour chanter Canta per me devant toute la famille Alfado. Cette fois, Raphael ne se mit pas devant comme à son habitude pour laisser son oncle de la place privilégiée pour écouter au mieux sa voix, mais derrière sa protégée.

Ce fut là où tout bascula. Il vit bien un canon braqué sur Nathalie et n’eut que quelques secondes pour réagir en faisant barrière entre Nathalie et la balle qui lui perfora le torse. Nathalie voulut crier, mais encore une fois, aucun son de sortit de sa bouche. Angelo vit sa tentative de meurtre échouer, mais il tint bon à recommencer, Nathalie déchaîna sa colère et sa tristesse sur Angelo en tranchant net le canon de l’arme et deux roues de sa chaise roulante pour le faire basculer par terre. Bouleversée, Nathalie essaya de faire garrot au sang qui s’échappait du torse de son oncle qui réunissait ses dernières forces pour lui confier ses derniers mots, les paroles de la chanson qu’il avait écrite rien que pour elle.

Canta per me.

Sona est née ce jour. Sa tristesse s’était muée en volonté que plus jamais elle ne verrait ce genre de tragédie devant elle si elle pouvait l’éviter. Qu’elle soit seule à devoir chanter pour son amour interdit et perdu, un éternel adieu.

Quelques mois plus tard, elle découvrit la fortune que son oncle lui avait laissé et retourna au seul endroit qu'elle pourrait voir comme sa maison : son orphelinat. Elle entreprit des travaux pour plus d'espace pour les enfants. Bien sûr, Sona était toujours là à protéger les laissés pour compte de New-York et donna la chance à certains jeunes délaissés une seconde chance en devenant leur mécène.

C'était tout naturellement qu'elle fait partie du Gouvernement. Cependant, elle voit dans cette division entre héros d'autres tragédies à venir. Bien sûr qu'elle a ses devoirs, mais elle compte bien essayer de trouver une manière pacifique de réunir les super-héros comme autrefois pendant que leurs ennemis préparent sûrement leur coup du siècle qui ne ferait que bien plus de victimes.