Though lovers be lost, love shall not; And death shall have no dominion.

Une soirée de plus à manger des nouilles chinoises devant une émission idiote, une soirée de plus à discuter avec Ivan de tout et de rien. J’aime beaucoup cet homme, il est un père pour moi malgré les nombreux évènements qui auraient pu nous séparer mais... J’ai besoin de liberté, de mouvements. Non pas que je sois totalement inactive ces derniers temps, avec tout ce qui se passe... Mais il me faut plus, toujours plus. Surtout que je ne suis pas réellement sûre d’avoir choisi le bon camp, Steve me manque et je peux difficilement être d’accord avec tous les projets de Tony...

Perdue ? Oui, absolument, et je n’aime pas ça du tout. J’ai passé toute ma vie à devoir choisir un camp et j’ai la triste impression d’avoir fait systématiquement le mauvais choix... Troquer la Chambre Rouge pour le KGB, le SHIELD pour les Vengeurs et maintenant, le gouvernement... Une succession de choix étranges qui me semblaient justifiés. Mon passé est trop lourd, il pèse toujours dans mes choix, il m’influence... J’aimerai tellement pouvoir le changer, revenir en arrière et corriger certaines choses. Tant de choses...

« Natasha, tu ne devrais pas sortir, surtout à une heure pareille... »

Il n’a sûrement pas tort, nous sommes en guerre après tout et mon identité n’est plus secrète aujourd’hui... Seulement je ne peux pas rester plus longtemps sans rien faire, même si je ne sors que pour aller prendre un verre. J’ai grandi avec de l’adrénaline constamment dans les veines, je n’ai vécu que pour ça... Alors ce qui m’attend dehors ne me fait pas peur, pas plus aujourd’hui qu’hier.

« Ne t’en fais pas Ivan, je n’ai pas l’intention de mourir ce soir. »

Dis-je avec un clin d’œil avant de sortir de son appartement. Nous vivons sur le même pallier, question de commodité mais ça a parfois ses désavantages, comme ce soir par exemple... Je n’aime pas le voir inquiet même si je sais qu’il me fait confiance. Je suis la Veuve Noire, il en faut beaucoup pour me tuer et, croyez moi, beaucoup ont essayé. Toujours en vain bien sûr, je suis faite pour résister à tout type de torture et mon organisme est insensible à la plupart des poisons connus. Une machine à tuer qui ne risque pas de dysfonctionner de si tôt !

Vêtue d’un simple jean, un T-shirt blanc et une veste en cuir, je sors de mon petit immeuble pour errer dans les rues. Bien sûr, j’ai mon petit pistolet porte bonheur bien caché à l’abri des regards et un couteau caché contre l’une de mes bottes. Presque invincible mais pas folle ! Et cette arme et l’un des premiers cadeaux d’Ivan, il date de mon entrée dans la Chambre Rouge, c’est dire... Je n’ai plus que ce souvenir de mon passé, ça et les maintes cicatrices laissées sur mon cœur au fil du temps. Car, si ma peau ne marque pas, mon cœur se souvient de chaque cicatrice et certaines sont bien plus grosses que d’autres...

Un virage à droite puis à gauche, je n’ai pas prévu d’aller à un endroit particulier, je voulais juste prendre l’air. Mais pourquoi se priver d’un petit verre quand même l’alcool n’a pas d’effet sur vous ? Et qui sait, je pourrai peut-être rencontrer un ou deux criminels à qui je pourrai botter le derrière ? Ivan me reproche toujours de trop travailler, il n’est pas le seul, mais je n’ai plus que ça pour vivre, pour exister. Mon esprit refuse la stagnation et mon corps n’en est pas plus adepte, je fais donc ce que je peux pour ne jamais me retrouver immobile ou sans rien à faire.

Clint sait que c’est un moyen de me cacher, mon seul moyen de ne pas être hantée par ce que j’ai vécu par le passé. Si je m’arrête, tout me saute à la gorge et me prend aux tripes, les bons souvenirs comme les mauvais, mes choix, mes défaites... Tous ces gens que je n’ai pas pu sauver, tous ceux que j’ai vu mourir, ceux que j’ai du tuer moi-même, les faux souvenirs aussi, ceux que je ne suis plus capable de distinguer. A trop jouer avec mon esprit ils ont finit par me le détraquer et je ne sais plus quoi penser, je ne distingue plus le vrai du faux... Et cette situation extrême n’arrange rien, ses conflits ne font que me rappeler à quel point tout n’a été qu’échec.

J’entre finalement dans le premier bar qui se présente à moi. Des allures de coupe gorge mais je m’en fiche éperdument. Je ne suis là que pour boire un verre et penser à autre chose, même si cela semble fortement compromis. Autour de moi, les yeux se tournent. Uniquement des hommes et ils n’ont clairement pas l’air d’avoir inventé l’eau chaude... Tant qu’ils ne me touchent pas tout ira bien pour eux. Calmement, sans réellement les regarder, je me dirige vers le bar où je commande une vodka. On ne renie pas ses origines aussi facilement que ça, nationalisée ou non.

Et pendant que le barman me sert, j’observe la pièce via les miroirs qui me font face. C’est une habitude : toujours analyser les lieux afin de pouvoir s’en sortir en cas de pépin. Ne jamais sous-estimé l’homme étrange à côté de soi, envisager toutes les possibilités... Mais je suis très loin de pouvoir envisager la suite de cette soirée car je ne crois pas aux fantômes... Ma vodka à la main je regarde mon verre d’un air songeur. Je ne sais pas exactement ce que je fais là, le destin sûrement, il a toujours aimé joué avec moi... Et, en général, je n’ai jamais apprécié le voyage.

Though lovers be lost, love shall not; And death shall have no dominion.

Quand on vit toujours à cent à l’heure, on finit par trouver certains endroits trop calmes. Et ce bar en est la parfaite illustration. Les hommes présents sont sûrement trop saouls ou trop lâches pour s’approcher de moi et je me retrouve donc seule avec mon petit verre dans ce qui ressemble presque à un silence religieux. Il y a pourtant un match de Baseball en fond, quelques murmures échangés entre les personnes présentes mais... Tout cela n’est qu’un bruit de fond, rien de plus pour des oreilles aussi sensibles que les miennes.

Un large soupir s’échappe de mes poumons avant que le liquide alcoolisé ne descende enfin dans ma gorge. Coup sec bien sûr, il n’y a pas d’autre moyen de boire de la Vodka. J’aimerai tellement qu’il se passe quelque chose, que l’un d’eux s’approche de moi et tente quelque chose... Je n’aime pas particulièrement les boulets mais ils ont au moins le talent de mettre un peu d’action dans ma soirée. Avec un peu de recul, j’étais plus active à la maison qu’ici... Ou vraiment ?

Soudain je me redresse sur mon tabouret. Un bruit étrange dehors, quelque chose d’inhabituel. Impossible de dire quoi à cette distance mais je sens l’adrénaline commençait à battre dans mes veines. Il va se passer quelque chose, mon sixième sens en est persuadé... Et l’action ne tarde pas à montrer le bout de son nez : des coups de feu sont tirés à travers la vitre, mettant à terre la quasi-totalité des hommes présents et me laissant à peine le temps de me jeter derrière le bar, dégainant au passage mon petit pistolet.

L e barman n’a pas été assez vif et il gît sans vie à côté de moi. Dans quelques minutes à peine l’odeur dans la pièce sera insupportable : l’alcool renversé et le sang des victimes... Mais j’ai l’habitude de se genre de parfum, malheureusement... Mon arme à la main, j’attends que le coupable entre dans le bar, écoute ses premiers pas avec attention. En vue du bruit qu’il fait, je pense que c’est un homme, assez grand et sûrement assez musclé. Il avait deux armes avant d’entrer, 12mm d’après la taille des blessures de mon voisin...

Très intéressant... Moi qui voulais de l’action me voilà servie ! Je n’aime pourtant pas les dégâts collatéraux, ces hommes n’étaient peut-être pas très utiles à la société mais ils n’ont rien fait de mal. Seulement c’est toujours la même rengaine avec les supers-vilains, ils ne cherchent pas à comprendre et font tout ce qu’ils doivent faire pour atteindre leur cible. Une cible oui... C’est sûrement ce que je suis ce soir, une fois de plus, je ne les compte plus.

Quelques secondes de plus derrière mon bar, juste assez pour lui laisser le temps d’arriver à ma hauteur. Inutile de garder mon arme dehors, j’ai envie de la jouer à l’ancienne... Je rengaine et m’éjecte de ma cachette les pieds devant, le surprenant juste assez pour qu’il tire deux balles dans le vide avant de se prendre mes pieds en plein dans la poitrine. Beaucoup plus grand que je ne l’avais envisagé mais j’ai connu pire. Et mon but était seulement de le déséquilibrer un peu, au mieux de le désarmer... Mais on ne désarme pas aussi facilement se genre de personne visiblement...

Atterrissage en douceur agrémenté d’une roulade habile qui me replace en face de mon adversaire, les poings en avant, prête à courir entre les balles comme j’ai toujours appris à le faire. Un exercice dangereux, je vous l’accorde, mais j’ai besoin de défis... J’observe mon adversaire avec attention. Cheveux noir assez long, une veste aussi longue et potentiellement handicapante, un autre 12mm en main et un masque cachant le bas de son visage. Jamais vu, ou du moins c’est ce que j’ai la naïveté de croire... D’un geste de la tête j’ôte quelques cheveux qui avaient eu l’audace de se mettre devant mes yeux.

« Beaucoup de bruit pour rien mon gars, si tu voulais une petite dance il suffisait de m’inviter... »

Plaisantais-je avant de me jeter à nouveau sur lui dans l’espoir de le désarmer d’un coup de pied bien placé. Oui, j’ai passé trop de temps avec Spider-man et son humour douteux commence à déteindre sur moi... Mais j’assume presque totalement et ça ne fait pas de moi quelqu’un de moins efficace... Ou du moins c’est ce que je croyais car le désarmer va être une autre paire de manches...

Though lovers be lost, love shall not; And death shall have no dominion.

J'ai souvent eu a faire à des hommes tenaces ou à des ennemis presque à la hauteur de mon talent, mais cet homme est clairement différent : il semble anticiper mes gestes, parant avec une facilité remarquable le moindre de mes coups. On pourrait presque croire que ce n'est qu'un combat amical visant à tester nos méthodes, les mêmes méthodes, celles de la Chambre Rouge quand elle était encore à son apogée.

De plus en plus troublée, je tente pourtant de tenir la distance, pas un coup plus fort que l'autre, toujours aussi rapide. Ne pas lui laisser le temps de répondre à mes attaques et pourtant il trouve toujours le moyen de me rendre la pareille... Comment est-ce possible ? Je ne l'ai pas encore blessé une seule fois et je n'ai pris aucun mauvais coup... Que cherche-t-il à faire ? Est-ce un moyen de me déstabiliser ? A-t-il pu m'étudier à ce point avant de passer à l'acte ?

Ne pas réfléchir, vivre dans l'instant... Malheureusement, mon cœur rate un battement en réalisant enfin que l'un de ses bras n'est pas humain... Comment ai-je pu ne pas m'en rendre compte plus tôt ? Et sa voix, son russe parfait... Je ne connais qu'un seul homme qui se bat comme ça, un seul homme capable de me parer aussi facilement... Mais cet homme est mort depuis des lustres, il ne peut pas être là, c'est impossible.

Une réflexion de trop, un instant de doute et de faiblesse. Il me projette contre le mur quelques mètres plus loin, me laissant à peine le temps de m'en remettre avant de m'attraper par la gorge. Sa poigne métallique est difficile à contrer et je suis trop troublée pour réagir correctement, parvient a peine a lui décrocher un coup maladroit dans la figure. Assez fort quand même, assez pour ôter son masque étrange... Et de nouveau mon cœur dérape : je connais trop bien cet homme pour avoir le moindre doute, j'en étais même déjà sûre à vrai dire...

« Bucky ? »

Murmurais-je entre deux souffles difficiles, ma main tenant ma gorge. Mes yeux sont grands ouverts, plein d'une incrédibilité à peine cachée. Comment peut-il être encore en vie ? Comment peut-il ne pas me reconnaître, après tout ça !? Je crains de comprendre... Ce n'est pas incompatible avec les méthodes de la Chambre Rouge, j'en ai souvent fait les frais. Trop souvent. Mais lui... Ils n'ont pas pu lui faire du mal, pas à James, pas à mon James. Mon cœur bat toujours trop fort dans ma poitrine alors qu'il recule brutalement en cachant son visage. Sait-il ? Est-il conscient ? Se souvient-il ? Fait-il ça en toute connaissance de cause ? Non, je peux le voir dans ses yeux maintenant.

Que lui dire ? Continuera-t-il ses assauts maintenant ? Veut-il se cacher de moi ? Sait-il réellement qui je suis ? Je suis perdue, je ne reconnaît plus mon James dans ses yeux... C'est sur, il n'est plus lui-même. Ils lui ont fait l'irréparable, ils ont modifié ses souvenirs, son esprit, ils en ont fait un monstre sans cœur et son esprit... Mais il n'est pas mort, je peux encore le sauver, je peux encore le sauver comme il ma sauvé jadis...

« Mais que t'ont-ils fait ? »

Dis-je, baissant consciemment ma garde. Le laisser me battre ? Non, il me tuera sans hésiter dans son état... Un bon coup sur la tête pût fonctionner mais il ne peut pas s'en sortir indemne et il ne se laissera pas faire... L'attaque psychologique alors ? La tentative désespérée de le raisonner, d'user de mes connaissances ?

« Alors le nom Romanov ne t'a rien rappelé ? »

Murmurais-je, mon cœur saignant abondamment dans ma poitrine. Il n'aurait pas pu me faire plus mal qu'en me regardant comme ça, en me voyant comme une étrangère, une inconnue... Moi, nous... Une torture sans nom, la pire de toute. Mes yeux le fixe avec une douceur rare. L'un des seul à connaître ce regard, peut-être même le seul en fait.

« James c'est moi... »

Dis-je, à peine plus fort qu'avant. Mon souffle va mieux mais je souffre toujours, plus que je ne pouvais l'imaginer. Je ne l'ai jamais réellement cru mort mais le savoir en vie est comme un électrochoc. Mes membres sont pétrifiés, mon esprit incapable de réfléchir correctement, de trouver les mots. J'ai déjà était à sa place, j'ai connu Alexei dans le même état mais... James est qui il est. Trop important à mon goût, trop important...

Though lovers be lost, love shall not; And death shall have no dominion.

Je peux le voir dans ses yeux, je sais que mon James n’est plus là... Ils l’ont transformé, ils ont joué avec son esprit comme ils ont tant de fois joué avec le mien... Soudain, mon cœur se rempli de rancœur et de haine envers ces gens. Nos anciens employeurs ? Sûrement, mais je sais que beaucoup seraient prêt à tout pour obtenir une arme telle que lui. Un super soldat digne de Captain America, le seul à pouvoir leur offrir un héro digne de ce nom. Nous avons vécu tant de choses, vu tant de conflits... Et il est tellement facile pour eux de ne lui laisser que ses souvenirs de combat, il est tellement banal d’ôter à un être humain toutes ses capacités de ressentir et de se souvenir... Je suis trop bien placée pour le savoir, ignorant même aujourd’hui où sont mes vrais souvenirs parmi tant de mensonges. Il m’a fallut des années pour me reconstruire et les fondations ne sont clairement pas solides... Je dois l’aider, le sauver comme il m’a sauvé tant de fois... 

Mais il ne me rendra pas la chose facile, ignorant même jusqu’à son surnom d’autre fois. Pas surprenant, c’est leur méthode : détruire tous les bons moments, vos amis, votre famille proche, faire de vous une machine sans âme qui se souvient simplement d’être né une arme à la main. Bucky était déjà dangereux avec sa conscience, ce qu’il est devenu dépasse sûrement mon imagination. Il m’a d’ailleurs bien prouvé ses capacités lors de notre échange, toujours aussi vif et aussi énergique. C’est comme ça que nous fonctionnons, usant de notre rapidité et de notre maîtrise pour laisser peu d’ouverture à notre adversaire. Ne jamais flancher, ne jamais laisser une seule marge de manœuvre... Et pourtant j’ai baissé ma garde, mon cœur a prit le dessus sur mon esprit. Ce maudit cœur qui m’a valut tant de souffrances, qui m’a fait prendre tant de mauvaises décisions... Et c’est le cas une fois de plus. 

James s’approche de moi, je sais qu’il ne m’a pas reconnu, je sais que mes paroles étaient vaines... Et pourtant je le laisse faire, je le laisse s’approcher sans la moindre méfiance, consciente pourtant du risque que j’étais entrain de prendre... Et ça ne manque pas, une lame s’enfonce dans mon abdomen, m’arrachant un grognement de douleur. Une douleur physique bien moindre par rapport à celle que je ressentais dans mon âme... C’est qui, Bucky ? Ses mots raisonnent dans ma tête alors que des images de notre passé resurgissent. Toutes ces missions, nos entraînements, ses visites nocturnes dans ma chambre avant mon mariage avec Alexei, nos retrouvailles à sa mort... James a toujours fait partie de ma vie finalement, toujours d’une façon que je n’aime pas avouer d’ailleurs. Je suis la Veuve Noire, une femme froide et sans cœur incapable d’aimer... Et pourtant. 

Je sais qu’aucun mot ne peut l’aider à retrouver la mémoire, il faut un choc violent, une explosion, un électrochoc... Mais je n’ai pas mes bracelets avec moi, aucun gadget, aucun moyen de le faire revenir à la raison... Ou peut-être que si, peut-être que je suis ce moyen. Après tout, ne parle-t-on pas de coup de foudre ? Ne dit-on pas ressentir comme une décharge au moment du premier baiser ? C’est ce que j’ai ressentis la première fois que ses lèvres ont touché les miennes... Et je n’ai pas réellement la force de riposter autrement, sentant déjà le sang couler sur ma peau brûlante. Il a frappé à un endroit stratégique. Pas une blessure mortelle, juste assez pour me faire mal et pour me faire perdre une bonne quantité de sang. Il planifie sûrement un autre coup et il arrivera rapidement. Je ne perds donc pas une seule seconde avant d’avancer mon visage vers le sien, plaquant avec ardeur mes lèvres contre les siennes. 

Ce n’est pas une méthode très traditionnelle mais mes choix sont abominablement limités. Il fallait faire vite et frapper fort... Mais frapper sans force, ou en étant consciente de ne pas en avoir assez pour être efficace. Car j’aurais aussi bien pu lui donner un coup de tête, j’aurai pu lancer mon genoux vers son bas ventre... Seulement ça n’aurait fait que retarder un peu ma sentence, ça ne l’aurait pas réellement déstabilisé. Il est le Soldat de L’hiver, la souffrance physique ne lui fait rien, il sait résister aux coups et aux attaques diverses... J’aurai même pu retourner son couteau contre lui, rien n’aurait eu une chance d’être aussi violent que ce simple baiser. Et il est aussi violent pour moi car il réveille un peu plus mes souvenirs. Toutes ces choses qui étaient pourtant si claires dans mon esprit... Le bonheur d’être ensemble, le plaisir d’enfreindre les règles ensemble, de travailler en équipe... Un duo de choc sous tous les rapports, un duo qui m’avait manqué... 

Pas le temps pour un baiser langoureux, il ne se serait pas laissé faire. Juste un contact bref qui valait mille mots. Je sais que je ne suis pas sauvée mais il est déstabilisé et c’est tout ce dont j’avais besoin. Un bref instant de doute dans son esprit me permet de reculer et de sortir à nouveau mon pistolet. Ça ne lui fera sûrement pas peur mais ça me permet d’instaurer une distance... Ma main libre est plaquée sur ma blessure, déjà couverte de sang. Faire compresse, ne pas se concentrer sur la douleur, j’ai connu pire. Mon arme pointé sur lui je tente de capter son regard, priant pour qu’une étincelle s’y installe. Il ne retrouvera sûrement pas sa mémoire aussi facilement, je demande juste le doute. Appuyée contre le bar, à une bonne distance de lui, je le tiens en joug, le souffle court. Je n’ai pas l’intention de mourir ce soir et il est hors de question qu’il meure, je ne le perdrais pas une fois de plus. 

« James Buchanan Barnes, c’est lui Bucky... » Dis-je, presque agressive, presque comme si je lui reprochais directement sa propre mort. « Né en 191 de George M. Barnes et de Winnifred C. Barnes. ex-soldat Américain, ex-agent de l’HYDRA, ex-agent du KGB et j’en passe... Ce n’est pas la première fois qu’il tente de te détruire James et je n’ai pas l’intention de les laisser continuer comme ça. » Dis-je avant de serrer les dents. Des mots, toujours des mots... « Et c’est pour ça qu’ils veulent que tu me tue : Je ne suis pas juste un agent du SHIELD ou de je ne sais quoi, je suis ta Natasha, celle que tu as entraîné à la chambre rouge, celle pour qui tu prenais tant de risques chaque soir en te faufilant dans son dortoir, celle qui était prête à décevoir ses employeurs si c’était pour rester près de toi. Nous sommes la seule raison pour laquelle ils ont faillit nous perdre et ils ont fait en sorte d’arrêter tout ça... Je te pensais mort James, et j’aurai préféré que tu le sois. »

Difficile à dire mais terriblement vrai... Le voir dans cet état, sentir son regard glacial sur moi... Ce n’est pas mon premier coup de couteau mais c’est de très loin le plus douloureux de tous, celui d’un amour perdu, celui de trop de souvenirs qui reviennent en vague... Il n’y a pas de douleur plus lancinante, il n’y a rien de pire... Toujours appuyée contre mon bar, prête à parer une nouvelle attaque ou presque, j’attends sa réaction, guettant toujours ses yeux azur. Combien de fois ais-je pu me noyer dans ses yeux ? Combien de fois y ais-je trouvé refuge ? S’il faut mourir un jour alors que ce soit de sa main ; je ne peux pas me résoudre à le tuer et ce même si je sais que ce n’est plus vraiment lui... 

Though lovers be lost, love shall not; And death shall have no dominion.

Il lui suffisait d’un geste, un tout petit geste pour m’empêcher de partir et pour terminer sa mission… Mais rien, il ne fait absolument rien fait, se contentant de rester parfaitement immobile alors que je me faufile hors de son emprise. J’aurai aimé pouvoir capturer ses lèvres plus longtemps seulement je ne suis pas sûre de mon efficacité et je ne peux pas me permettre de prendre ce risque… Il faut que je m’éloigne, que j’accepte de reculer malgré le goût délicieux qui traîne sur mes lèvres. Je pensais ne plus m’en souvenir, je pensais avoir oublié mais il n’en est rien… Tout est encore si clair dans mon esprit, comment ne peut-il pas en être de même dans le sien ? Douloureux, trop douloureux…

Maintenant à bonne distance, je me permets de l’observer, d’analyser sa réaction : une main contre le mur devant lui, l’autre cachant son visage. Il a murmuré mon nom, un murmure qui a fait vaciller mon cœur. James ne parlait plus du contrat mais de Natasha, celle de son passé, celle qui comptait pour lui… J’ignore jusqu’à quel point sa mémoire est revenue mais un nouvel espoir vient de naître en moi, l’espoir de le retrouver enfin, de pouvoir le sauver. Et je ne me contenterai pas de cela, oh non ! Ils paieront pour cet affront, ils auront de mes nouvelles et bien plus tôt qu’ils ne le pensent… Un œil pour un œil, c’est ma devise.

Mon arme est toujours pointée sur lui, dans un silence quasi religieux. Je ne veux pas le brusquer davantage, j’en ai déjà fait assez. Après quelques instants, il se retourne enfin, le visage baignant de larmes. Ses yeux ne sont pas encore redevenus ce de notre jeunesse mais je peux le reconnaître, il est là quelque part, tout prêt… Je ne baisse pourtant pas mon pistolet, respectant le silence qui s’est installé dans la pièce, un silence à peine troublé par ma respiration saccadée. Que faire à présent ? Que dire ? Presque malgré moi, je murmure son nom, comme si je voulais qu’il me confirme son identité, comme si je voulais qu’il revienne…

Puis soudain, il ressort son 12mm, me causant un haut le cœur. Je suis certaine que ce n’est pas un mensonge, pourquoi sort-il son arme alors qu’il revient doucement ? Ce n’est pas possible, pas logique ! Qu’il me saute à la gorge parce qu’il est incrédule, par pure haine, je le conçois mais là… Puis soudain il pointe le canon vers sa tempe, ne me quittant pas des yeux. Je ne réfléchi pas à ce qui suit, un simple reflexe, quelques secondes à peine : je lui décoche une balle dans l’épaule, celle qui tenait l’arme, la base de son bras métallique. Il fallait juste qu’il lâche son arme, qu’il arrête immédiatement cette mascarade.

Une fois le coup parti, je me précipite sur lui, m’emparant de son arme pour les jeter toutes les deux un peu plus loin. De nouveau à ses côtés, je plaque une main sur sa blessure pour faire compresse avant de caresser doucement sa joue de ma main libre. Humide de larmes sincères. James n’est peut-être pas totalement de retour mais je sens qu’il revient, il doit revenir… Ma blessure saigne toujours mais je ne ressens plus la douleur, je me fiche du sang qui s’imprègne toujours dans mon T-shirt. Nous avons connus pire lui et moi et je ferai tout pour le lui rappeler. Nous allons nous en sortir, nous nous en sortons toujours.

« Tu ne croyais quand même pas que j’allais te laisser faire pas vrai ? »

Plaisantais-je comme si je m’adresser à l’ancien lui. Il était maintes fois passé proche de la mort lors de nos missions… Et maintes fois je l’avais sauvé, ce n’est qu’une fois de plus, une fois qu’il me le rendra, il me la rend toujours. Une vie pour une vie, nous payons toujours nos dettes. Avec un sourire tendre, je laisse mon pouce balader sur sa joue, plongeant mon regard dans le sien pour tenter le retrouver, pour aller le repêcher… Il est là, je le sais, je peux le voir. Il faudra du temps, il y a encore des risques mais… Je suis prête à les prendre pour lui, je suis prête à tout pour lui, je l’ai toujours été.

« Je n’ai pas l’intention de te laisser tomber James… Je serai toujours là pour toi. »

Though lovers be lost, love shall not; And death shall have no dominion.

Le coup est parti très vite, le blessant au moins autant qu’il ne me blesse moi-même. Tirer sur lui, voilà bien une chose que je n’avais jamais imaginé… Mais entre le blesser ou le voir mourir sous mes yeux, le choix était vite fait et je n’ai pas hésité une seule seconde. James était déjà mort dans de fois aux yeux du monde… Et j’ai cru l’avoir perdu pendant si longtemps ! Hors de question que tout cela continue, je suis là maintenant, nous sommes de nouveau réunis et jamais je ne le laisserai me quitter une nouvelle fois. Peut-être ne se souvient-il plus de moi mais je n’ai pas oublié et je sais que nous pouvons nous en sortir. Ce n’est qu’une épreuve de plus, une difficulté supplémentaire, peut-être la pire depuis bien longtemps… Mais qu’importe, je ne baisserai pas les bras, je ne l’ai jamais fait, et encore moins quand il s’agissait de lui…

De nouveau à côté de lui, mes deux mains en contact avec son corps, je réalise enfin que tout cela n’est pas un rêve… Car oui, j’ai rêvé plus d’une fois à nos retrouvailles, j’ai trop souvent imaginé retrouver son étreinte et la douceur de ses lèvres. Cette fois c’est vrai, il est vraiment là et je sens que son esprit me revient doucement. Nous aurons besoin de temps, de beaucoup de temps pour pouvoir espérer retrouver sa mémoire, un travail de long allène que je suis parfaitement prête à fournir une fois qu’il sera loin de l’emprise de ses employeurs. Car ils sauront tôt ou tard, ils comprendront que je ne suis pas morte, que leur machine à tuer a échoué… Et ils risquent de le ‘nettoyer’ une nouvelle fois, ou pire encore, de le tuer. Hors de question, je préfère encore mourir que de le perdre à nouveau.

Nous devons rapidement trouver une solution et il ne tarde pas à me le rappeler, me suppliant presque de m’enfuir. Mais je ne peux pas le laisser comme ça, je ne peux pas le quitter sans le moindre plan ! L’un de nous devait mourir ce soir, qu’à cela ne tienne. Il reprend la parole mais je l’entends à peine, mon esprit tournant à plein régime alors que les premières voitures de police arrivent, sûrement alertées par ses coups de feu… Je ne prends pas le temps de lui répondre, me déplaçant au plus vite derrière le bar ou je récupère le plus de bouteille possible. Des cocktails Molotov, il n’y a plus rien à sauver ici et ils pourront trouver des traces de mon ADN à cause de mes blessures… J’enlève rapidement ma veste et mon T-shirt. La première atterrit au sol sur la plus grosse tache de sang alors que le reste me sert de mèche d’allumage. C’est un plan un peu bancal mais je n’ai pas réellement trouvé mieux dans l’urgence, trop troublée pour être absolument opérationnelle.

« Il y a un endroit sûr dans le métro, une petite ‘grotte’ entre Woodlawn et Mosholu Pkwy, je t’attendrai la bas, vient quand tu le pourras… Je ne peux plus rentrer chez moi James, tu m’as tué et c’est bien mieux comme ça. »

Passer pour morte, leur laisser croire que l’agent Romanov n’est plus… Excellent moyen pour moi de rejoindre Steve et la résistance, parfait pour prendre le recul dont j’avais besoin. Nous pourrons passer quelques jours loin de l’Amérique, j’ai encore quelques vieilles connaissances en Russie… Là bas James sera plus au calme pour se reprendre, nous aurons plus de chance de retrouver sa mémoire… J’aurai aussi le temps de peaufiner mon plan dans la nuit, trouver un moyen de rendre ma mort encore plus crédible. Mais nous n’avons pas le temps, les forces de l’ordre arrivent… J’entraîne James par la porte de derrière et j’allume, offrant à notre vue un beau feu de joie. Plus de trace de rien, il faudra que je trouve un moyen de confirmer ma présence ici, je trouverai. Et James pourra dire qu’il a fait son travail, que je suis redevenue poussière et que l’incendie n’était que sa façon de nettoyer les lieux ou même, un accident… Il verra bien et ils ne chercheront pas plus loin, ou du moins je l’espère.

« Je t’attendrai dans le métro et nous réfléchirons ensemble à la suite des évènements. Ils ne doivent rien savoir. »

Sur ce, je vole un dernier baiser à mon amant d’antan et je disparais dans la nuit. Ma blessure saigne toujours et je n’ai plus que sa veste sur les épaules. Une veste que j’ai volée juste avant de me diriger vers le bar. Le moins de trace de lui possible… Pour le moment j’ai de quoi me couvrir et je vais devoir trouver un moyen de contacter Ivan sans passer par nos téléphones respectifs… Je trouverai, puis James me rejoindra et nous aviserons. J’ai confiance en nous, notre duo reste le meilleur de ce monde, j’en suis absolument convaincue. Qu’est ce que j’ai pu aimer cet homme… Et qu’est ce que je l’aime toujours…

Though lovers be lost, love shall not; And death shall have no dominion.

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