Même démarche, même route que la semaine passée. Si la dernière fois que j'ai fait ce chemin, c'était un pur hasard, c'est certainement pas le cas aujourd'hui. Affublé d'une paire de lunette D&G sur le nez, je ressemble plus à une star qui assume pas sa popularité qu'à un hors-la-loi qui assume pas sa disgrâce. Je suis un peu des deux. La Torche humaine en cavale. Et quand on aime faire parler de soi, ça la fout mal. Elle avait vu mon vrai visage, elle. La fille au cheveux rose que j'ai sauvé. Cette maligne s'était coincée le talon dans une bouche d'égout en traversant la route ! Franchement, quand j'y repense, je me dis qu'il fallait vraiment le vouloir pour réussir une connerie pareille. Le fait est qu'une voiture lui serait rentrée dedans si je n'étais pas intervenu in extremis. Je dis bien in extremis, c'est à dire en faisant usage de mon pouvoir. Ce jour-là,  je portais mes précieuses Ray ban et ma chemise Armani auxquels j'ai été contraint de faire mes adieux pour un joli minois. Faudrait que j'apprenne un jour à ne pas foutre mes fringues en l'air quand je m'enflamme, mais passons.

Je m'amuse à faire fondre la neige sur mon passage, puis celle située sur les voitures, histoire de rendre service, puis m'arrête en plein milieu du trottoir pour analyser l'endroit. Bon, Anastasia avait failli se faire écraser ici, ce qui n'était pas loin de son lieu de travail, si j'en crois ce qu'elle m'avait dit. On est en plein milieu de semaine, ça signifie qu'elle y est. Du moins j'espère. Je suis pas en train de la traquer, j'essaie juste de la retrouver, nuance ! Mon ancienne campagne de pub pour les quatre fantastiques s'étant retournée contre moi, ce n'est pas tous les jours que je croise quelqu'un qui ne connait pas mon visage. Je suppose que la retrouver risque de s'avérer facile désormais. Il suffit de demander aux gens du coin s'ils connaissent une fille colorée, tellement colorée que même satellite en orbite pourrait la repérer. Je pose la  question à quelqu'un qui sort de chez lui, pour être sûr d'être bien renseignée et le gars me désigne une petite enseigne de la main. Je le remercie et m'y rend donc. En approchant, je réalise qu'il s'agit d'un lieu où l'on se fait tatouer. Je n'en attendais pas moins de la fille atypique qu'est Ana, d'un côté. Je pousse la porte et le tintement de la clochette se perd dans un air de musique que je connais bien. Go, Johnny, go, go... La belle est assise sur un tabouret derrière son bureau de travail, griffonnant des dessins sur une feuille de papier. Go, Johnny, go, go..., je retire mes lunettes et m'approche en claironnant: « Salut ma belle ! »

Peu soucieux de savoir si je la dérange ou non, je pose l'objet sur sa table et m'appuie ensuite dessus de mes mains pour me pencher vers elle avec un sourire franc. J'ai toujours eu cette manie de mettre à mal l'espace vitales des dames, et elles étaient plutôt rare à s'en plaindre. Johnny B. Goode...

« As-tu enfin entamé les procédures judiciaires contre le daltonien qui t'a fait ça ? », je demande en prenant une mèche de cheveux entre mes doigts tandis que mon sourire devient plus taquin.

C'est pourtant pas la première que je croise à avoir une couleur originale. Lorna est aussi pas mal dans son genre, mais y a toujours tellement à dire sur elle que j'ai même pas encore trouvé le temps de caser une blague sur ses tifs, et je crois bien que ça n'arrivera jamais. Je fait un clin d'oeil à Ana et lâche sa mèche, reculant d'un pas pour balayer la pièce du regard. J'ai un faible pour les lieux aussi vivants et la belle a l'air d'un poisson dans l'eau ici.

« C'est sympa ici. »

« I don't suffer from insanity, I enjoy every minute of it ! » ► Sherrilyn Kenyon